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Auteur : André Lecomte, Président du C.A. de la TAAAM
Parution : Journal Clic Aînés | Volume 4 | Numéro 2 | Mars 2025
Selon le plan d’action gouvernemental reconnaître et agir ensemble 2022- 2027, l’âgisme est « une discrimination en raison de l’âge, il se manifeste par des attitudes hostiles ou négatives, des gestes préjudiciables ou de l’exclusion sociale ».
Selon ce même plan d’action, l’âgisme serait présent dans toutes les sphères de la société : la recherche scientifique, la formation, les milieux de vie collectifs, les médias, la publicité, le milieu de travail. Il serait trop long d’expliquer ici comment l’âgisme se manifeste dans tous ces domaines. Selon cette même source, même le milieu de la santé et des services sociaux n’y échappe pas. Nous nous attarderons dans ce texte aux manifestations de l’âgisme dans ce dernier domaine.
L’âgisme dans le secteur de la santé comporterait trois éléments :
1.L’intégration chez la personne aînée de stéréotypes et de fausses croyances véhiculées par la société.
2.L’anticipation chez la personne aînée de son propre vieillissement et des dépendances qui l’accompagnent.
3.L’exclusion de la personne aînée du partage de ressources au profit d’autres groupes. De là une attitude de discrimination à l’égard des personnes aînées.
Face à cette conception de l’âgisme dans le domaine de la santé, nous sommes en droit de nous questionner sur les attitudes des professionnels de la santé à l’égard des personnes aînées. D’après les résultats de certaines études en cette matière, nous serions passés d’une attitude plutôt (négative) du vieillissement à une attitude plus (positive) de ce même phénomène.
D’une catastrophe annoncée, comme vider les caisses de retraite, augmenter les coûts en santé dont le vieillissement serait responsable, nous serions passés à une prise en charge plus spécifique du vieillissement. Nul doute que les cours dans certaines formations universitaires consacrés au vieillissement contribueraient à une prise en charge certaine des personnes aînées. Notre sensibilité à l’augmentation de la population de 65 ans et plus et les perspectives pour les prochaines années accentueraient nos préoccupations à l’égard du vieillissement des populations.
Par ailleurs, n’oublions pas que ce changement d’attitude pourrait se heurter à des images stéréotypées envoyées par certains médias qui glorifient la jeunesse et la productivité au travail, laissant moins d’importance au phénomène du vieillissement.
Notons que les personnes aînées ne constituent pas une catégorie homogène tout comme les autres groupes sociaux. Il faut apporter certaines nuances. Il est d’usage courant de situer la catégorie des personnes aînées dans le groupe d’âge de 65 ans et plus. Toutefois, nous savons très bien qu’entre 65 et 95 ans par exemple, une kyrielle de maladies ou d’inconforts peuvent affecter certaines personnes et nécessiter des soins appropriés. Il faut donc effectuer une distinction entre des personnes aînées en général et des personnes aînées en quête de besoins de soins de santé.
Sera-t-il possible d’éliminer les attitudes négatives à l’endroit du vieillissement des populations ? Il faudra la contribution de tous les agents sociaux pour y parvenir. Les instances de formation bien sûr ; mais aussi la contribution des médias et les efforts du monde du travail.
Consommation de médicaments chez les personnes aînées
Un autre élément à considérer dans les soins de santé auprès des personnes aînées est le recours aux médicaments. Loin de nous l’idée de contester le recours à des médicaments pour solutionner certains problèmes de santé. Ainsi, certains médicaments peuvent sauver des vies, améliorer la qualité de vie et diminuer des douleurs. Mais, de façon générale, on associerait certains problèmes de santé chez les personnes aînées au phénomène du vieillissement normal. Ainsi, le recours à un comprimé paraîtrait une solution toute désignée. Dans ce contexte, l’usage de médicaments semble être un des moyens privilégiés pour solutionner un problème. On accorderait alors moins d’importance à la prévention, aspect abordé plus loin dans ce texte.
Là où un questionnement s’impose, c’est sur la prescription de médicaments et leur consommation. Encore une fois, un médicament prescrit pour un problème précis et consommé selon les règles ne peut qu’avoir d’effets bénéfiques. Par ailleurs, des problèmes peuvent survenir lorsqu’un médicament entre en interaction avec un autre médicament. Cela peut entraîner des effets indésirables allant jusqu’à des chutes parfois pouvant conduire à un séjour à l’urgence. Cela se produit principalement dans les cas de polymédication qui peut entraîner des effets indésirables potentiellement graves. Une hospitalisation sur cinq chez les personnes aînées serait liée aux médicaments. De plus, au Québec en 2019, trente-six pour cent des personnes aînées de plus de 66 ans ont consommé entre 5 et 9 médicaments par jour. Le nombre de médicaments prescrits aux personnes aînées était le principal facteur en cause dans les hospitalisations liées à des réactions indésirables aux médicaments.
Un autre problème lié à la consommation de médicaments est l’automédication. Cela se produit chez des personnes qui s’administrent elles-mêmes des médicaments. Ce comportement augmente les risques d’interactions médicamenteuses pouvant entraîner des chutes, des problèmes visuels et autres. Il existe surtout chez des personnes qui oublient de prendre leurs médicaments, qui ont des pertes cognitives ou tout simplement qui ont perdu confiance dans le système de santé.
Le recours à des médicaments n’est pas toujours le moyen idéal pour solutionner un problème de santé.
Le personnel de la santé est-il bien outillé pour comprendre le processus de vieillissement des personnes aînées ? Solutionner des problèmes de solitude, d’isolement, de stress ou d’anxiété par une consommation de médicaments n’apportera pas de résultats attendus. Le recours à d’autres professionnels tels des psychologues et des travailleurs sociaux apporterait certainement un éclairage différent sur certains problèmes de santé.
La prévention de consommation de médicaments par l’exercice physique.
Régulièrement les médias traditionnels publient les résultats de recherche sur les bienfaits de l’exercice physique. Il en est ainsi des influenceurs à travers les médias sociaux qui invitent leurs abonnés à bouger régulièrement. Nous nous contenterons de relater ici les conclusions d’une recherche publiée en 2024. Il s’agit d’une étude longitudinale, publiée dans la revue Aging and Disease qui s’appuie sur des participants âgés de 65 à 85 ans qui ont été invités à pratiquer pendant une période de 6 mois des entraînements de trois niveaux d’intensité : Faible, axé principalement sur la fonction motrice, l’équilibre et les étirements. Moyen, marche rapide sur un tapis roulant. Élevé, de type haute intensité par séances de 4 cycles de course sur un tapis roulant avec un effort maximal.
« L’auteur insiste sur le double effet de l’exercice intense et fractionné, à la fois un effet de stimulation de la cognition chez les personnes âgées en bonne santé, mais aussi un retard durable du déclin cognitif ». Dit autrement, l’exercice à haute intensité et fractionné permettrait de maintenir une bonne fonction cérébrale et de retarder, jusqu’à 5 ans l’apparition de désordre. Si l’exercice physique tel que nous venons de le décrire peut améliorer les étapes du vieillissement, nous ne pouvons qu’en retirer des bienfaits d’abord sur le plan personnel, vivre en meilleure santé probablement sans trop de médicaments. Ensuite sur le plan social, capacité de maintenir des liens avec la famille et les amis. Enfin, sur le plan économique, en restant le plus éloigné possible des services hospitaliers et des coûts que ceux-ci génèrent. Notons aussi qu’il est démontré que les activités physiques améliorent la force musculaire, la flexibilité, l’équilibre. Elles peuvent aussi réduire les chutes et améliorer l’espérance de vie des personnes aînées. Pratiquées en groupe, ces activités contribuent à briser l’isolement social et à créer des réseaux sociaux.
Contribution des personnes aînées à leur milieu
En plus de l’exercice physique, un autre élément peut permettre aux personnes aînées de retarder le recours à des doses de médicaments excessives et de bien vieillir. Il s’agit d’assurer aux personnes aînées qu’elles ont toujours leur place dans leur milieu et comment elles peuvent apporter leur contribution.
De plus, rapprocher les personnes aînées des autres groupes sociaux permettrait d’éliminer certains stéréotypes alimentés par une culture d’efficacité, de productivité et de rendement. Cela peut prendre diverses formes :
-Permettre aux personnes aînées de poursuivre leur carrière ou d’accomplir un autre travail. Leurs expériences accumulées au cours des années seraient certes un enrichissement pour l’ensemble de la société.
-Maintenir les personnes aînées plus actives physiquement et socialement. Ce qui contribuerait à prévenir l’isolement social et comme nous l’avons écrit plus haut et à limiter les risques de chutes.
-Favoriser les formes de dialogue entre les générations. L’écoute des personnes aînées, leur expérience de vie et le temps dont elles disposent, en général, pourraient constituer des ressources précieuses pour les plus jeunes tout en étant un moyen d’épanouissement et de se sentir utiles. La Maison des grands-parents est un bel exemple de rencontres entre les générations où les personnes aînées peuvent s’impliquer dans l’aide aux devoirs, par exemple.
-Permettre aux personnes aînées de demeurer dans leur communauté et d’y vivre de façon sécuritaire tout en exerçant des tâches bénévolement. Éviter le plus possible tout déracinement qui pourrait avoir comme conséquence d’isoler certaines personnes. Selon les désirs de chacune.
Ce sont là quelques propositions, non exhaustives bien entendu, qui pourraient mobiliser les personnes aînées dans des projets qui limiteraient leur anxiété, leur isolement et qui les éloigneraient de prises de médicaments et dont les effets pourraient avoir des conséquences sur leur santé globale. Une attention particulière à l’alimentation serait aussi un bon moyen de tenir éloignée la prise de médicaments. Cela pourrait faire l’objet d’un autre article.
En conclusion, poser les bons diagnostics, suivre les posologies, éviter les interactions médicamenteuses, mieux connaître le processus de vieillissement sont sans contredit des conditions nécessaires pour éviter des comportements que l’on qualifie d’âgistes chez les personnes aînées. Toutefois, éviter l’isolement, entretenir ses contacts sociaux et faire de l’exercice physique selon ses capacités ne peuvent qu’ajouter au bien-être des personnes aînées. C’est ainsi qu’elles se sentiront mieux intégrées dans leur milieu et moins victimes d’âgisme.
André Lecomte
Président du Conseil d’Administration
La Table Action Abus Aînés Mauricie
SOURCES
Bartlett, Perry, in Aging and Disease Long Term Improvement in Hippocampal Dependent Learning Ability in Healthy, Aged Individuals Following High Intensity Interval Training, 9 juillet 2024.
Hébert, Réjean, Soigner les vieux : chronique d’un médecin engagé, Éd. La Presse, 2023, 264 pages.
Lagacé, Martine, Représentation et discours sur le vieillissement : la face cachée de l’âgisme, P.U.L. 2015, 283p.
Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Un Québec pour tous les âges, https://publications.msss.gouv.qc.ca, 2018-2023.
Ministère de la santé et des Services sociaux : le troisième plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées : Reconnaître et agir ensemble : https://www.msss.gouv.ca
Notes du cours : Intervention auprès des aînés vulnérables : médicaments et personnes âgées, Sylvie Lapierre automne 2023.