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Auteur : Noémie Lemay, Responsable des communications de la TAAAM
Parution : Journal Clic Aînés | Volume 4 | Numéro 2 | Mars 2025
Qu’est-ce que vieillir? Selon le dictionnaire le Larousse, vieillir se définit en plusieurs phrases qui sont les suivantes :
-Prendre de l’âge, aller peu à peu vers une période plus avancée de sa vie.
-Passer de la force de l’âge, de la maturité, à la période décroissante qui suit.
-Être atteint par les signes habituels de la vieillesse.
Certes chacune de ces phrases sont véridiques, mais, même selon le dictionnaire, ces définitions n’apportent rien de positif dans le regard qu’on porte à cette étape de la vie. Vieillir représente pour bien d’entre nous, une perte de performance, de la dépendance, et même un sentiment de crainte et d’inutilité lorsqu’on se projette dans cet avenir. Vieillir c’est aussi envisager sa propre mort, ce sentiment de finitude que l’on repousse le plus loin possible. Et si le vieillissement pouvait être considéré comme un privilège ? Et pourquoi pas une chance inouïe de transmettre ses connaissances aidant ainsi la jeune génération et sa propre famille ?
Les personnes aînées sont avant tout des gens d’expériences et ne doivent pas être perçues comme un groupe homogène, mais plutôt comme des personnes ayant un vieillissement qui est propre à chacune d’elle. Fait à remarquer, plusieurs personnes aînées, s’impliquent dans la communauté et retournent même sur le marché du travail dans de nouvelles vocations.
Les avancées dans le domaine de la santé et l’amélioration des conditions de vie dans les diverses sociétés dans le monde augmentent la longévité de tous les êtres humains. Nous vivons en moyenne 30 ans de plus que les générations passées. D’ailleurs on assiste à un nouveau phénomène démographique jamais vu au cours des siècles passés. Selon statistiques Canada au cours des 25 prochaines années (d’ici 2046), la population âgée de 85 ans et plus pourrait tripler et même atteindre près de 2,5 millions de personnes. Il y a de moins en moins de naissances et de plus en plus de personnes aînées. La pyramide de la démographie est maintenant inversée.
La société doit donc bonifier l’inclusion des personnes aînées et mettre en place un système adapté aux besoins de celles-ci.
L’âgisme est omniprésent dans notre société et les valeurs fondamentales de celle-ci prônent la jeunesse, la performance et le culte de la beauté. Mais quelle place laisse-t-on aux marques du temps sur notre corps et aux bénéfices que la vieillesse peut apporter ? Nous mettons constamment l’accent sur les pertes, mais vieillir peut aussi procurer des gains, des joies et aussi une grande période de sérénité ou les simples bonheurs de la vie nous comblent parfaitement. Et si vieillir pouvait être vu comme une période de croissance ? L’être humain a ce désir et cette capacité d’apprendre et cela jusqu’à la fin de sa vie. Après tout l’âge n’est qu’un chiffre !
Mais qu’entend-on par âgisme ?
Selon le livre intitulé : L’âgisme c’est assez ! publié par le Centre collégial d’expertise en gérontologie du Cégep de Drummondville, l’âgisme est une construction sociale qui caractérise le vieillissement et les personnes aînées à partir de stéréotypes négatifs et une tendance à structurer la société comme si tout le monde était jeune. Reconnu comme une forme de maltraitance, l’âgisme est la plupart du temps invisibilisé, toléré et intégré.
Mais quelles formes prend l’âgisme et comment se manifeste-t-il ?
Selon le Centre de recherche sur le vieillissement du Québec portant l’initiative GIRA (Grande interaction pour rompre avec l’âgisme), il existe différentes formes d’âgisme. Des recherches ont identifié quatre types d’âgisme envers les personnes aînées :
L’âgisme hostile implique des paroles ou des comportements délibérés et malveillants à leur endroit. L’expression « boomer remover » en est un exemple.
L’âgisme de compassion, plus subtil, consiste à les percevoir d’emblée comme étant vulnérables, devant être prises en charge, incapables de s’occuper d’elles-mêmes et de prendre des décisions. Elles se voient ainsi privées de leur droit de parler et d’agir ; plusieurs se sentent en quelque sorte infantilisées.
L’âgisme intergénérationnel concerne les attitudes et comportements stéréotypés et discriminatoires des membres d’une génération envers les personnes plus âgées qu’eux et elles. Ce type d’âgisme s’inscrit souvent dans des tensions entre les générations.
L’âgisme intragénérationnel se manifeste au sein du groupe social formé par les personnes perçues comme étant âgées. Dans ce cas, ce sont les personnes aînées elles-mêmes qui se distancent, voire discriminent leurs confrères et consœurs. Les plus jeunes du groupe peuvent chercher à se distinguer des plus vieilles ; celles qui sont « en forme », de celles qui ont des problèmes de santé, par exemple.
L’âgisme se manifeste au quotidien, et ce dans les diverses sphères de notre monde. Voici donc quelques exemples les plus communs.
Dans les médias : Les médias sont des véhicules d’information de la société, des agents d’apprentissage culturel qui nous informent sur les idéologies et les modèles qui circulent dans la société, ils structurent la vision du monde des individus et contribuent à la construction sociale de la réalité. Bien souvent, les médias nous proposent un portrait irréaliste et extrême des personnes aînées. Ils les présentent comme étant faibles, malades et vulnérables. Ils sont des témoins du passé et non d’un vécu actuel.
Dans les commerces et les entreprises : Sans vouloir faire de l’âgisme, certains employés offrant du service à la clientèle adoptent une attitude infantilisante envers les personnes aînées en parlant plus lentement et plus fort ou en utilisant ce terme poli fréquemment entendu : « Ma belle petite Madame ou mon beau petit Monsieur! »
Au travail : À l’aube de la retraite, certains travailleurs sont poussés et pressés par leurs employeurs à prendre une retraite anticipée prétextant que ceux-ci sont moins productifs et coûtent plus cher en masse salariale. Divers stratagèmes peuvent être mis en place afin de pousser lentement et sûrement ces travailleurs vers la porte de sortie.
Sur la route : Nombreux sont les commentaires négatifs sur la conduite automobile des personnes aînées en lien avec leur vitesse de déplacement et les accidents. Et pourtant selon la Société de l’assurance automobile du Québec : les conducteurs de 65 ans ou plus sont proportionnellement moins impliqués dans les accidents de la route. En 2020, 1 244 706 titulaires de permis de conduire étaient âgés de 65 ans ou plus, soit 22 % de tous les titulaires de permis. Pourtant, ils ne représentent que 12 % des conducteurs impliqués dans les accidents avec dommages corporels.
Au niveau de la sexualité : L’amour et le sexe sont réservés aux jeunes ! C’est une conception très répandue dans la société. Elle met de l’avant que les personnes aînées sont trop vieilles pour être amoureuses, faire l’amour, avoir une orientation sexuelle différente ou une diversité de genre. On est à la base un homme, une femme, un être humain ayant des besoins sexuels et affectifs avant d’être vieux !
Dans le système de santé : Dans les soins de santé, le vieillissement est souvent perçu comme une maladie et non comme une étape de la vie. Une certaine forme de discrimination peut être vécue par les personnes aînées lors du diagnostic. Les symptômes éprouvés par la personne aînée qu’ils soit d’ordre physique ou psychologique peuvent être associés directement au vieillissement et non à la maladie en elle-même. Cette tendance a de lourdes conséquences engendrant ainsi un possible retard dans le dépistage et le délai de traitement.
Au niveau des apprentissages et des connaissances : Qui n’a pas pensé un jour ou émis un commentaire mentionnant que les personnes aînées sont lentes et dépourvues de capacités à utiliser les nouvelles technologies ? Pourtant selon l’Académie de transformation numérique de L’Université Laval le portrait des personnes aînées concernant l’utilisation des technologies numériques réalisé en 2023 en est tout autre. Selon cette enquête, 30 % des adultes du Québec âgés de 65 ans et plus considèrent avoir des habiletés élevées à utiliser les technologies numériques, 46 % jugent qu’elles ne sont ni élevées, ni basses alors que 9 % avouent qu’elles sont basses. De manière générale, 68 % des personnes aînées du Québec ont une perception positive de leur expérience globale avec les technologies numériques.
Connexion à internet : 85 % des personnes aînées du Québec disposent d’une connexion à Internet à la maison.
Activités réalisées quotidiennement sur internet par les personnes aînées : 52 % des personnes aînées ont réalisé sur Internet l’une ou l’autre des activités suivantes au moins une fois par jour en 2023 :
-Consulter l’actualité : 44 %
-Regarder du contenu vidéo gratuit : 17 %
-Consulter, publier ou partager du contenu sur un ou plusieurs réseaux sociaux : 13 %
Outils de communication en ligne
-74 % des personnes aînées utilisent le courriel pour communiquer avec leur famille et leurs amis.
-53 % envoient des messages textes
-39 % font usage de la messagerie intégrée aux réseaux sociaux
-38 % utilisent les appels vidéo ou visioconférences sur Internet
Adoption des appareils électroniques
-86 % des personnes aînées disposent d’au moins un des appareils électroniques évalués
-74 % détiennent un ordinateur portable ou de table
-66 % possèdent un téléphone intelligent
-54 % détiennent une tablette électronique
-15 % disposent d’une montre intelligente ou d’un bracelet d’activité connecté
La place qu’occupent les personnes aînées en société
Vieillir représente un danger ; voilà une perception bien répandue en société !
Vieillir comprend bien entendu son lot d’inconvénients et de défis, mais il ne faut pas mettre toutes les personnes aînées dans le même bateau en associant le vieillissement avec lourdeur, fardeau et coût élevé pour la société. L’augmentation du nombre de personnes aînées dans la population est considérable, mais il faut avant tout voir l’impact positif ainsi que la contribution de ces gens d’expérience à la société. En fait; selon les statistiques du plan d’action gouvernemental; La fierté de vieillir, 2024-2029 ; le portait des personnes aînées québécoises nous dévoilent des faits très intéressants contribuant à déconstruire des stéréotypes conduisant à l’âgisme.
Habitation : En 2021, 97 % des personnes de 65 ans et plus vivaient dans une maison, un appartement, une résidence privée pour aînés (RPA) ou dans un type de maison attenante ou un logement mobile. Le taux d’hébergement de longue durée soit dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) des personnes âgées de 65 ans et plus était inférieur à 3 %. Perception de l’état de santé : En 2020- 2021, 48 % des personnes de 65 à 74 ans vivant en ménage privé percevaient leur santé comme très bonne ou excellente. En 2017-2018, 79 % des personnes de 65 à 74 ans estimaient que leur santé mentale était très bonne ou excellente.
Vie sociale : En 2020-2021, 41 % des personnes âgées de 65 à 74 ans étaient très satisfaites de leur vie sociale. Cette proportion atteignait 47 % chez les personnes de 75 ans et plus. En 2018, 21 % des personnes âgées de 65 ans et plus, soit 317 000 personnes, agissaient à titre de proches aidantes. En 2018, environ 63 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont effectué du bénévolat. Cela représente environ 978 000 personnes. Elles y ont consacré 252,2 millions d’heures, équivalant environ à 131 400 emplois.
Perte d’autonomie : En 2019, la proportion des personnes âgées de 65 à 74 ans n’ayant aucune incapacité dans les activités de la vie quotidienne ou ayant une incapacité légère (parmi les personnes vivant en ménage privé) était de 97 %. Cette proportion diminue toutefois avec l’âge. Elle était de 88 % chez les personnes de 75 ans et plus. Cette proportion était de 27 % chez les personnes de 85 ans et plus. Cette proportion était de 71 % chez les personnes de 75 ans et plus. Travailleurs expérimentés : En 2021, la proportion de personnes en emploi s’élevait à 57 % chez les hommes de 60 à 64 ans et à 42 % chez les femmes du même âge. Chez les personnes de 65 à 69 ans, le taux d’emploi des hommes était de 25 % et celui des femmes, de 16 %.
Mais qu’elles sont les conséquences de l’âgisme ?
Les conséquences de l’âgisme sont nombreuses tant sur le plan physique, psychologique que social. Être exclu, jugé et catégorisé en sous-groupe en raison de son âge peut nous rendre déprimé, malheureux et méfiant envers les autres générations. De plus, être exposé à des comportements et des attitudes âgistes très tôt dans notre vie, peut également entraîner de l’auto-âgisme envers soi-même. Nous intégrons rapidement ces diverses façons de penser qui conduisent à une perception négative du vieillissement entraînant le refus et la peur de vieillir.
Sur le plan physique : Les comportements et attitudes de type âgisme envers les personnes aînées contribuent à accélérer la perte d’autonomie et même à engendrer certains troubles. L’âgisme peut même être à l’origine d’une mort précoce (Baillargeon, 2024). L’autonomie qu’une personne possède doit être conservée et non diminuée par peur ou crainte que la personne se blesse ou par surprotection. Par exemple, une personne aînée pourrait voir son rétablissement plus lent à la suite d’une maladie ou à une intervention en ayant des proches aidants diminuant les capacités de celle-ci.
Sur le plan psychologique : Les personnes aînées victimes d’âgisme souffrent de divers problèmes affectant leur santé mentale. On peut remarquer des comportements à risque comme l’abus d’alcool et de drogues, une baisse de l’estime de soi, et même la dépression.
Sur le plan social : L’âgisme affecte le bien-être général de la personne pouvant la pousser vers l’exclusion et l’isolement social. Cette baisse de valorisation entraîne une diminution de la participation sociale et une crainte envers les autres générations. L’âgisme contribue à donc à l’approfondissement du fossé intergénérationnel entre les diverses générations.
En terminant, c’est en changeant notre vision du vieillissement, et en apprivoisant cette étape cruciale de la vie que nous réussirons à diminuer les stéréotypes engendrant l’âgisme. C’est en développant plusieurs efforts collectifs que nous arriverons à faire de notre société un monde plus inclusif pour les personnes aînées. La mise en place d’un climat d’ouverture et de compréhension, ainsi que la création de liens intergénérationnels peuvent faire la différence au quotidien. Vieillir sans âgisme est un défi de société et nous devons ouvrir les yeux sur cette réalité en posant de petits gestes au quotidien. N’oublions pas que nous serons tous un jour vieux !
Marie Lefebvre
Directrice générale de la TAAAM
Étudiante en gérontologie
SOURCES
Centre de recherche sur le vieillissement (CDRV). (n.d.). https://www.cdrv.ca/
Gouvernement du Québec. (2024). Plan d’action gouvernemental 2024-2029 : La fierté de vieillir. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document003734/
Rompre avec l’âgisme. (n.d.). https://rompreaveclagisme.ca/
Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). (n.d.) https://saaq.gouv.qc.ca/
Statistique Canada. (n.d.). https://www.statcan.gc.ca/
Université de Sherbrooke. (2022, 6 décembre). Événements[Actualités]. https://www.usherbrooke.ca/psychologie/actualites/ nouvelles/details/45970
Université du Québec à Trois-Rivières, Tremblay, J. P. W. (2024). Perspectives sociales et politiques en gérontologie. Automne 2024.
Université Laval. (n.d.). Les aînés connectés au Québec (2022), Académie de transformation numérique. https://transformation-numerique.ulaval.ca/