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La maltraitance, un chemin tracé d’avance… ou pas ?

Auteur : Elodie Hartmann, Doctorante en psychologie

Parution : Journal Clic Aîné | Volume 2 | Numéro 2 | 15 juin 2021

L’être humain étant complexe, il apparaît impossible de certifi­er qu’il existe un continuum d’évènements logiques pouvant expliquer, à lui seul, qu’une personne puisse être victime de maltraitance à un âge avancé.

En effet, le calcul doit prendre en considération plusieurs paramètres du parcours de vie, tels que l’époque, les évènements marquants ou les traumatismes vécus, la personnalité ou le tempérament, le support, l’environnement, le statut socio-économique, etc. Par exemple, il est possible d’observer que les membres d’une fratrie ne seront pas confrontés aux mêmes évènements au cours de leur vie et n’en auront pas la même perception non plus, bien qu’ils aient partagé des expériences semblables étant enfants.

Dans ce contexte, nous pouvons uniquement parler de facteurs de vulnérabilité ou de facteurs de risque, puisqu’il n’existe pas de relations de cause à effet observables dans absolument tous les cas de ­figure liés à la maltraitance chez les aînés. Chaque parcours de vie est unique et l’analyse doit intégrer l’interaction des différents évènements qui sont survenus au cours de l’existence d’une personne, sous l’angle de leur impact et de leurs conséquences, positives ou négatives, sur le développement de l’individu.

Par exemple, certaines personnes qui ont subi de la violence ou de la maltraitance au cours de leur vie peuvent en arriver à faire preuve de résilience, alors que d’autres se verront comme des victimes toute leur vie. L’exposition à la violence durant l’enfance peut également entraîner une intolérance à toutes formes d’agressivité chez certaines personnes, tout comme elle peut créer une forme de normalisation, où la violence peut être perçue comme normale et faisant partie de la vie. Ce dernier aspect contribue notamment à expliquer que la dénonciation par les aînées victimes de maltraitance demeure limitée, puisqu’ils ne sont pas nécessairement conscients que le comportement soit inacceptable, si le comportement est représentatif de ce qu’ils ont vécu depuis leur enfance.

Ainsi, sans conclure à une trajectoire de vie prédéfi­nie, il existe néanmoins certains facteurs de risque associés à la maltraitance chez les aînées. À cet effet, en 2020 Storey a publié une étude regroupant les principaux facteurs de vulnérabilité répertoriée dans la littérature scientifique. Les voici :

Facteurs de vulnérabilité liés à la maltraitance chez les aînés
-Maladie ou problème de santé physique
-Problème de santé mentale (particulièrement la dépression et la dégénérescence cognitive)
-Problème de dépendance ou d’abus de substance (engendre des difficultés ­nancières et relationnelles)
-Dépendance ­nancière
-Dépendance pour la réalisation des activités de la vie quotidienne
-Présence de stress
-Comportement de négligence envers soi-même au niveau physique et au niveau de sa propre sécurité

Attitude : se blâmer soi-même et excuser les comportements de l’autre Victimisation : antécédent d’exposition à des évènements traumatiques, la maltraitance ou la violence Difficulté relationnelle : isolement ou manque de support social

Ces différents facteurs de risque mettent de l’avant un contexte de vie favorable à l’émergence de la maltraitance, notamment en créant des zones de vulnérabilité chez les aînés, tant au niveau physique, émotionnel, social, que ­nancier. On observe que le niveau de vie, de même que les événements difficiles ou les traumatismes augmentent la vulnérabilité des aînés, en influant sur la perception des ressources personnelles et environnementales.

Dans une perspective centrée sur la trajectoire de vie, il ne faut donc pas négliger la difficulté physique, sociale, ­nancière et émotive, liée au changement d’un milieu de vie. Bien qu’une personne soit issue d’un milieu de vie dysfonctionnelle et qu’elle en soit consciente, sortir de ce milieu signifie généralement d’abandonner ses fi­gures d’attachement primaire, changer de relations sociales, perdre ses repères, etc. au profi­t d’un grand inconnu. Le processus implique souvent d’avoir des ressources aidantes à sa disposition, a­n de faciliter la transition. Par exemple, l’enfant victime de maltraitance ne peut se sortir lui-même de son milieu, puisqu’il est dépendant de son preneur de soin. On voit le même phénomène apparaître dans certains cas de maltraitance auprès des aînés, alors qu’il y a une dynamique de dépendance envers un preneur de soin. Ainsi, le fait de grandir et d’évoluer dans un environnement particulier peut devenir un facteur de risque à la maltraitance chez les aînés, en normalisant les comportements observés tout en maintenant la personne dans un environnement parfois difficile et potentiellement à risque.

À cet effet, la littérature sur la maltraitance expose, sans s’y limiter, que l’environnement dans lequel évolue une personne peut agir comme contexte favorable aux manifestations de violence et de maltraitance, lorsque les ressources sociale et organisationnelle sont absentes ou méconnues. Cela met en lumière l’importance d’exposer davantage la problématique de la maltraitance envers les aînés, en misant sur la mise en place de ressources accessibles, tout en sensibilisant les intervenants à l’histoire de vie d’une personne, qui peut la prédisposer inconsciemment à un pattern de maltraitance.

 

SOURCES

BONNIE R. J., WALLACE R. B. (Eds), 2003, Elder mistreatment. Abuse, Neglect and Exploitation in Aging America, Washington, D.C., National Research Council, National Academies Press.

PILLEMER K., 2005, Factores de riesgo del maltrato a mayores, in IBORRA MARMOLEJO, I. (ed.), Violencia contra personas mayores, Barcelona, Centro Reina Sofía para el Estudio de la Violencia, Ariel, 69-82.

STOREY, J. E. (2020). Risk factors for elder abuse and neglect: A review of the literature. Aggression and violent behavior, 50, 101339.