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30 ans d'expertise et ça continue

La surmédicalisation chez les personnes aînées

Auteur : André Lecompte, Président

Parution : Journal Clic Aîné | Volume 1 | Numéro 3 | 2020

Depuis quelques années, il ne se passe pas de journée sans que des sujets reliés au monde de la santé ne fassent l’objet d’une nouvelle dans les médias : manque de personnel (infirmières, préposées), salaire des médecins, urgences bondées, manque de médecins de famille, pourcentage du budget québécois consacré à la mission de la santé, etc. Mais il y a un sujet dont on a rarement entendu parler : il s’agit de la surmédicalisation des soins de santé chez les personnes âgées.

Avant d’aborder la question de la médicalisation, il est tout à fait pertinent d’aborder la notion de diagnostic.

Traditionnellement, les gens consultaient lorsqu’ils ressentaient un problème, ou un symptôme. Les médecins encourageaient une telle démarche. Lorsqu’une personne ressentait certains symptômes, il était tout à fait pertinent de consulter un médecin, faire poser un diagnostic et d’obtenir un traitement approprié. De nos jours, certaines personnes consultent alors qu’elles ne présentent aucun symptôme particulier. Elles espèrent qu’un problème de santé puisse être détecté avant même l’apparition de symptômes. Ce que l’on peut questionner c’est le fait de recevoir un diagnostic qui ne correspond à aucun symptôme ni maladie déclarée. Une telle situation peut résulter d’un malaise ressenti ou d’un inconfort qui ne nécessite pas de traitement particulier. On utilise dans ce cas la notion de surdiagnostic. Celui-ci survient lorsque certaines personnes se font diagnostiquer des problèmes qui n’auraient jamais causé de symptômes ni entraîné de complication et encore moins, la mort.

Le lecteur comprendra qu’Il ne s’agit pas ici de vouloir limiter les consultations ou de prises de médicaments lors de maladies. Au contraire, il faut encourager les gens à se faire traiter.

Déjà en 2014, l’AMQ (l’association médicale du Québec) et l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) ‘’souhaitaient que les professionnels de la santé, médecins, in­firmières et pharmaciens s’allient aux patients a­n de discuter de la pertinence de certains examens et traitements. Il semble que ce projet ait été éclipsé par la réforme Barrette d’après certains écrits’’.

En 2017, une vingtaine de pays dont le Canada ont mis en œuvre la campagne dont le but était de réduire le recours à des soins de santé superflus. Mais selon l’Association médicale du Québec (AMQ) le Québec tarde à s’attaquer aux problèmes de qui pourraient faire économiser trois à cinq milliards de dollars par année.

En mars 2018, plus d’une trentaine d’associations étudiantes en santé se sont réunies à Montréal a­n de trouver des solutions à la surmédicalisation. On y rapportait que selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) jusqu’à trente pour cent des patients canadiens pourraient avoir subi des soins. M. Régis Blais, chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal ‘’déclarait qu’il n’est pas rare de trouver des gens qui ont 10 prescriptions de médicaments ou plus quotidiennement’’… Souvent un médicament étant présent pour annuler les effets d’un médicament précédent. Du même souffre, monsieur Blais déclarait que pour les personnes âgées en particulier, les médicaments ou là c’est un problème.

Le 30 septembre 2019, M. Jean-Claude St-Onge écrivait sur le site des Droits et Libertés un article sur le sujet. ‘’Le surdiagnostic et le surtraitement consistent à dépister et traiter des personnes en bonne santé ou qui présentent des symptômes mineurs qui ne causeront pas de dommages’’. Il fait référence à 8 interventions qui ont démontré après analyse que jusqu’à 30% d’entre elles représentaient de la médecine non nécessaire.

Alors, pourquoi le surdiagnostic ? Une hypothèse avancée entre autres serait que l’on traite des problèmes sociaux avec des moyens médicaux. Certains problèmes sociaux seraient traités médicalement : deuil, isolement, peine d’amour…de plus, certains médicaments prescrits chez les 75 ans et plus comme le dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA et la prescription de statines pour réduire le taux de cholestérol n’amélioreraient pas la longévité et pourraient réduire la qualité de vie des patients. Nous pourrions allonger la liste de traitements qui ne présentent pas d’avantages réels pour les patients.

Problème culturel …aussi. Osons une affirmation. Tout patient sortant d’un cabinet de médecins sans prescription se pose la question s’il a été bien traité. Sera-t-il alors tenté d’aller consulter ailleurs ! Un principe semble bien ancré dans l’inconscient collectif québécois : béné­ficier de plus de soins médicaux permettrait de vieillir en meilleure santé.

Étant donné la complexité et l’étendue du sujet, ce texte ne prétend pas répondre à toutes les questions. Il aurait été pertinent aussi de mettre l’accent sur les pressions de l’industrie pharmaceutique. De plus, il serait ardemment souhaitable que le Québec via son ministère de la Santé et des Services sociaux et ses partenaires reprennent ce dialogue nécessaire avec les patients sur la pertinence et le bien fondé de certains traitements. Qui sait si l’État n’épargnerait pas des milliards qui pourraient être utilisés à d’autres ­fins…